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17 mars 2025

Temps de lecture : 4 minutes

Comment les habitant.e.s de Méditerranée se racontent sur les réseaux sociaux ? Comment nos vies sous algorithmes élaborent un récit virtuel et collectif ? Dans le cadre de l’édition 2024 de la Nuit des idées organisée par l’Institut Français d’Égypte, Histoires Vraies de Méditerranée a collecté des “Histoires vraies instantanées” en arabe et en français. Cette collecte a donné lieu à des restitutions sur scène au Caire et à Alexandrie les 22 et 23 février 2024.

Remerciements : Institut Français d’Égypte – L’équipe pédagogique et les lycéens du Lycée Français du Caire.
Collecte et montage audio : Marine Vlahovic. Traduction : Rim Wegdan

 

Histoire audio

Yassine, 21 ans, Alexandrie (Égypte) Février 2024

 

Transcription de l’histoire audio

J’ai commencé à tourner des vidéos à l’âge de 7 ans. Comme un hobby. Comme tous les enfants égyptiens, je regardais la chaîne MBC3 avant d’aller dormir, surtout les programmes scientifiques. Enfant, j’ai toujours aimé « bidouiller ». Par exemple, je m’amusais à trafiquer des lampes pour faire passer le courant, j’aime quand les choses sont « connectées ».

Je me suis rendu compte que j’aimais faire tout ça devant la caméra, c’est-à-dire que j’aime expliquer ce que je fais en me filmant. J’ai donc pris la tablette de ma mère, c’était une vieille tablette, l’une des premières Android. Et je l’ai utilisée pour filmer. La capacité de la tablette était de 8 gigas, avec seulement 5 gigas disponible car les logiciels prenaient 3 gigas d’espace. Je passais donc mon temps à faire des vidéos avant de les regarder et de les effacer.

Ensuite j’ai commencé à utiliser des logiciels de montage sur des téléphones portables ou des tablettes. J’étais parmi l’un des premiers à utiliser ces logiciels. Il y en avait un qui s’appelait Reverse, je me souviens du nom parce qu’il inversait les vidéos. Un jour, je me suis filmé en train de porter mon chien puis je le lâchais d’un coup. Comme je suis de petit de taille, ce n’était pas dangereux pour le chien. J’ai «inversé» la vidéo grâce au logiciel Reverse, et donc c’était comme si le chien volait pour venir dans mes bras. Je n’ai pas toujours utilisé mon chien. Parfois je le faisais avec des objets. Avec la vidéo inversée, c’est comme si l’objet montait pour atterrir dans mes mains.

À l’âge de 13 ans, j’ai suis passé à des choses plus sérieuses, mais en catimini car je ne voulais pas que l’on sache que j’avais une chaîne You Tube. En guise de projecteur, j’accrochais une lampe sur une table. J’ai acheté un microphone, et ce n’était pas facile à trouver à l’époque. J’ai essayé de produire une vidéo de qualité, alors que je n’y connaissais rien. J’ai tourné dix minutes, mais une fois montée, la vidéo ne faisait que deux ou trois minutes. J’ai beaucoup appris des youtubeurs étrangers en les regardant et en 2013, j’ai commencé enfin à publier ces vidéos sur YouTube. Je rêvais de devenir un You Tubeur, comme tous les enfants…

En 2018, donc trois ans plus tard, et alors que j’avais 16 ans, j’ai été en Allemagne. Le lendemain de mon arrivée, j’ai annoncé sur mon compte Instagram sur lequel j’avais 3000 abonnés – et c’était beaucoup d’ailleurs, pour quelqu’un qui n’est pas un influenceur – que j’allais poster des vidéos en Allemagne et faire des Vlogs sur TiTok. Mes amis se sont moqués de moi. C’est précisément ce que je craignais. Mais je me suis dit :«ça y est, je suis en Allemagne, je ne vais pas croiser mes amis dans la rue et je peux donc faire tout ce que je veux !» Surtout que je voulais publier des vidéos en arabe parce que je me sens plus à l’aise. J’ai continué à faire ça sur YouTube jusqu’en 2020. J’avais 2000 abonnés seulement sur TikTok, je n’arrivais pas à atteindre le nombre d’abonnés souhaité. Mais en en 2020, j’ai publié trois ou quatre vidéos de bonne qualité, avec un montage excellent ; tout était magnifique. Ce sont vidéos Tik Tok que faisais avec ma sœur qui avait elle 50 000 abonnés.

C’était au moment du COVID. On a commencé un duo. J’ai atteint 10 000 abonnés. J’ai commencé à prendre les choses plus au sérieux, et je me suis fixé l’objectif d’atteindre 50 000, puis 100 000 abonnés. Au bout de six ou sept mois, j’avais les 100 000 abonnés ! J’ai ensuite commencé à publier des séries que je publiais pendant le mois de Ramadan que j’ai appelées « Story Times ».

Le nombre d’abonnés a grimpé : 150 000, 200 000…Aujourd’hui en février 2024, j’ai 435 000 abonnés. Grâce à Dieu, mes fans – d’ailleurs je n’aime pas les appeler « fans », mais plutôt les personnes qui regardent mes vidéos – admirent mon travail et j’ai une solide base de followers. Le contenu que je publie fait écho aux intérêts des gens ; que ce soit la mode ou d’autres sujets. Je continue à faire des vidéos avec ma sœur, et les abonnés aiment beaucoup ça parce que c’est spontané et naturel. Il faut être spontané, et c’est d’ailleurs le compliment que je reçois de la part des abonnés, et c’est une chose qu’on ne trouve pas chez beaucoup d’influenceurs. Quand ils regardent leurs vidéos et ensuite quand ils me rencontrent dans la vie réelle, ils sont choqués car il pensent que je suis différent de celui qu’ils voient sur TikTok. Mais je suis vraiment proche du personnage que je suis TikTok. Tout ce que je publie je le fais dans la vie réelle. Rien n’est truqué.

Il ne faut vraiment pas accorder d’importance aux réactions des autres. Tant qu’on est différent, ils ne peuvent pas tous approuver ce qu’on fait. Il faut savoir qu’on n’aura pas un grand soutien au début, et c’est tout à fait normal, mais quand on a des abonnés, il n’y a plus cette peur. Seul le début est difficile. Il faut avoir confiance en soi et se concentrer sur ses objectifs et ne jamais désespérer. Si vous avez vingt amis, quinze peuvent être contre vous mais si un seul reste à vos côtés, c’est sur cet ami qu’il faut compter. Et même si l’on est tout seul, on apprend avec le temps. Ce qui compte, c’est la persévérance, il faut continuer à publier du contenu, même s’il n’y a pas beaucoup d’audience. Entre l’âge de 13 et 18 ans, je n’étais pas suivi, mais j’ai appris le montage et je suis devenu spécialiste. Donc, j’ai profité dans ces cinq années de ma vie pour apprendre le montage et la réalisation et je compte en faire mon métier en Allemagne.

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