Histoires Vraies
des Petites Îles de Méditerranée

Le projet

Grâce au travail de collecte, de traduction et d’édition de Marine Vlahovic, dans le cadre d’un partenariat entre l’association Histoires Vraies de Méditerranée (HVM) et l’École française de Rome (EfR), voici des histoires des habitants de l’île d’Ischia.

L’EfR mène différents programmes pluridisciplinaires avec avec le réseau Petites îles de Méditerranée, Histoire et patrimoine de l’École française de Rome, l’ONG Initiative pour les petites îles de Méditerranée (PIM) et le Conservatoire du littoral de l’Antiquité à nos jours, programmes dans lesquels sont explorés les figures de l’insularité, au travers de la parole et des histoires racontées par des gens ordinaires. Qu’en est-il de celles et ceux qui vivent entourés par la mer, sur les îles de Méditerranée ?

Comme par le passé, les populations insulaires jouent un rôle central dans la connaissance et la compréhension de cet espace connecté qu’est la Méditerranée : leur vie extérieure, le rôle qu’elles jouent sur le devant de la scène de l’histoire, est d’une ampleur que l’on attendrait pas de mondes au fond si misérables. La grande histoire, en effet, aboutit souvent aux îles, écrit Fernand Braudel, en 1949, dans La Méditerranée et le monde méditerranéen à l’époque de Philippe II.

Entre coupure et ouverture, les îles ont nourri bien des imaginaires ; leurs populations ont aussi modelé des paysages, produit des cultures et élaboré des styles de vie qui composent autant de patrimoines singuliers d’une immense richesse humaine et naturelle, soulignait Brigitte Marin, en 2021, dans l’introduction de l’ouvrage Les petites îles de Méditerranée occidentale. Il s’agit – par la collecte, la reconstitution et la restitution d’histoires vraies – d’interroger ces imaginaires, ces récits et ces mémoires afin de faire connaître et de préserver ces patrimoines singuliers.

Les différentes histoires (petites ou grandes) déjà repérées

Le livre Les petites îles de Méditerranée occidentale, sous la direction de Brigitte Marin, a déjà exploré de nombreuses thématiques liées aux petites îles sur lesquelles nous pourront nous appuyer au cours des temps de collecte sur les terrains envisagés. En effet, comme le décrivent et l’analysent les différents contributeurs du livre, les petites îles sont à la fois :

Des lieux d’exploitation minière, comme les carrières de granit des îles du détroit de Bonifacio, ou les mines de fer de l’Elbe, de pierre ponce et d’alun de Lipari dans les Eoliennes.

Des escales sur les routes de commerce (cabotage), comme l’anse de la Galère de Porquerolles, ou Pantelleria, entre Sicile et Afrique, qui jouait en même temps un rôle de lieu d’échange.

Des témoins privilégiés de nombreux naufrages, les écueils autour d’elles étant souvent fatals aux embarcations, et donc les épaves et histoires d’épaves sont nombreuses, comme dans les Bouches de Bonifacio.

Des terres d’exil de personnages importants, comme Ventotene (île Pontine) sous l’Empire romain.

Des lieux de vigie.

Des espaces propices, avec le développement du christianisme, à l’établissement d’anachorètes et autres ermites venant y trouver une vie ascétique, solitaire, comme par exemple Saint Martin sur l’îlot de Gallinara, au sud-ouest de Gênes.

Des prisons, des espaces de détention et d’éloignement de populations jugées indésirables. Des espaces liés à la pêche et à l’exploitation des ressources maritimes. Des économies liées à la piraterie. Des lieux de production de sel, ce qui entraînait aussi des formes de transformation des produits de la mer en salaisons et autres sauces de poisson, comme le garum, avec des ateliers mettant en amphores surtout les poissons migrateurs comme le thon, le maquereau, les sardines, les anchois.

Des unités de récolte du corail, par exemple au Frioul ou au Riou près de Marseille, ou encore à Mogador, la plus grande des îles Purpuraires, au large d’Essaouira, dont le murex à pourpre était ensuite réduit en poudre et vendu pour la teinte.

Des unités de production agricoles, avec des pratiques d’élevage mais aussi de culture en terrasse, en fonction de la densité de population très diverses des îles, et des formes de travail spécifiques.

Ces multiples facettes sont la toile de fond sur laquelle nous pouvons nous appuyer. A partir de ces réalités, à nous de donner la parole aux habitants, afin qu’ils nous surprennent en nous racontant librement les histoires qu’ils auront choisies de partager, sans que nous les guidions dans l’entretien.

Brigitte Marin en a proposé une première restitution les 3 et 4 juin 2023, lors des 10 ans du Mucem.

Terrains de collecte

Les petites îles vivent à l’ombre des grandes îles de Méditerranée – la Sicile, la Corse, ou encore les Baléares – et constituent des terrains de collecte captivants. Selon la définition de l’ONG PIM une petite île est une masse de terre émergée de moins de 1000 hectares accueillant au moins une plante vasculaire et détachée d’une autre zone émergée. 1200 petites îles ont été ainsi identifiées pour le seul bassin occidental de la Méditerranée. L’enquête portant sur les petites îles habitées, des espaces insulaires un peu plus larges seront aussi pris en considération, lorsqu’ils appartiennent à des archipels de petites îles. Il s’agira dans un premier temps de se concentrer sur la mer Tyrrhénienne – les îles du golfe de Naples ainsi que les îles Pontines – avant d’arpenter les îles de l’Adriatique.

Toutes les Histoires vraies
des petites îles de Méditerranée

ISCHIA / Le petit marquis

ISCHIA / Le petit marquis

🎧📃 Stanislao dit Silucio, 85 ans, Lacco Ameno « C’est une histoire vraie qui date de l’époque où mon grand-père était jeune. Il s’appelait Nunzio Matera dit “U Marchesin’”, le Marchesino, c’est à dire le petit marquis. Il a hérité de ce titre car il était le contremaître des ouvriers agricoles. Je ne sais pas qui lui a attribué ce surnom. Peut-être que c’est son patron, Don Pietro, qui lui a donné… »

ISCHIA / L’île au trésor

ISCHIA / L’île au trésor

📃 Domenico, 40 ans, Lacco Ameno « Un matin, je prends la route de Sant’Angelo pour ramasser les déchets sur la plage. Je suis un écolo, je fais attention à ne pas consommer de plastique et je profite toujours de ces opérations nettoyage pour récupérer des objets rapportés par la mer. Je trouve d’abord des bouées, quelques menus objets à recycler. Puis je décide de pousser un peu plus loin. À l’endroit précis où une plateforme qui était là depuis des années vient d’être démontée… »

ISCHIA / Les faux prêtres

ISCHIA / Les faux prêtres

📃 Domenico et Nando, Lacco Ameno « Nous voulons raconter des histoires de faux-prêtres qui ont exercé sur l’île, comme si c’est une spécialité. D’abord il y a eu ce petit malfrat à Forío . Il entre dans l’église de Saint Sébastien et s’approche de la statuette de la Madonne de Fatima. Il jette des regards pour s’assurer qu’on le remarque pas… »

ISCHIA / L’habit du moine

ISCHIA / L’habit du moine

📃 Luigi, Forío, 37 ans « Je suis le petit-fils d’un homme du siècle dernier qui a une histoire particulière. Je m’appelle Luigi comme mon grand-père qui était ermite sur le mont Epomeo. Il avait à peine vingt ans lorsqu’il s’est installé dans une petite église dans la montagne. En 1936, il est devenu moine, il vivait de la quête et des offrandes qu’on lui faisait. « 

ISCHIA / L’ami de la famille

ISCHIA / L’ami de la famille

📃 Andrea, Ponza, 66 ans « Ma tante Yolanda ne s’est jamais mariée. Elle n’a jamais cuisiné. Elle savait à peine cuire un oeuf. Mais elle savait boire et elle était très sociable et rieuse. Elle avait en permanence un sourire accroché aux lèvres. On la surnommait “Coca-cola” parce qu’elle était pétillante comme une boisson gazeuse et qu’elle allait par monts et par vaux. « 

ISCHIA / Michele le sauveteur

ISCHIA / Michele le sauveteur

📃 Lucia, Lacco Ameno, 45 ans « Michele, mon mari, est chauffeur pour l’hôtel La Reine Isabelle. Il accueille les clients au port d’Ischia pour les conduire à Lacco Ameno. Un soir, la vedette rapide en provenance de Naples s’approche du quai. La mer est un peu agitée. Une petite fille qui se trouve sur la passerelle perd l’équilibre. Elle tombe à l’eau. « 

ISCHIA / La reine Isabelle

ISCHIA / La reine Isabelle

📃 Luca, Lacco Ameno, 56 ans « C’est une histoire qui m’est arrivée à Lacco Ameno dans les années 1990. Deux couples de touristes espagnols arrivent en voilier sur l’île, ils mouillent au large de Lacco Ameno, ils débarque sur la plage et ils longent l’hôtel de la Reine Isabelle avant d’atterrir dans mon bar pour un apéritif. Je les sers. Ils me demandent pourquoi l’hôtel porte le nom de la reine Isabelle. Je leur raconte alors ce qui se dit ici… »

ISCHIA / La mule du jeune marié

ISCHIA / La mule du jeune marié

📃 Teresa Lacco Ameno 38 ans « C’est un après-midi ensoleillé du mois de mai, ma belle-mère est en voiture avec son mari. Sur la route, elle voit alors un moineau, un nouveau-né qui est tombé du nid. Elle sort du fourgon, et elle le ramasse. »

ISCHIA / L’oiseau

ISCHIA / L’oiseau

📃 Teresa Lacco Ameno 38 ans « C’est un après-midi ensoleillé du mois de mai, ma belle-mère est en voiture avec son mari. Sur la route, elle voit alors un moineau, un nouveau-né qui est tombé du nid. Elle sort du fourgon, et elle le ramasse. »

ISCHIA / Un avion sur la montagne

ISCHIA / Un avion sur la montagne

🎧📃 Renato, 70 ans, Serra Fontana « C’est une histoire qui se déroule au lendemain de la seconde guerre mondiale. Un avion survole Ischia à basse altitude. Il n’y a pas de radar et beaucoup de brume. Les nuages sont très bas. On ne voit rien. L’avion s’approche du Mont Epomeo à Serra Fontana. Son aile heurte une aiguille. »

ISCHIA / Les terrasses

ISCHIA / Les terrasses

🎧📃 Andrea, Serra Fontana, 66 ans « Nous sommes à 600 mètres d’altitude, dans le vignoble Frassinelli, où je produis ce vin, qui figure parmi les vins D’Ambra les plus primés Il s’agit d’un paysage particulier qui se caractérise par une pierre de couleur verte. Il s’agit du tuf vert… »

Le travail de collecte

La collecte d’histoires vraies réside dans la capacité à créer un lien avec une personne, un rapport de confiance, et dans le plaisir que va engendrer ce lien à travers la forme narrative simple, ce tête-à-tête entre deux êtres qui s’écoutent et se disent. La collecte peut aussi se faire de façon collective, sous la forme de veillées. La reconstitution historique se fera au moyen d’archives et de travaux de recherche qui seront “mis en ondes” sous forme d’une série de podcasts documentaires et de récits (textes, images, illustrations).

Restitution

  • Production d’une série de podcasts et de textes (Partenariat avec des radios italiennes et françaises dans un premier temps – à définir)
  • Hébergement sur le site d’Histoires Vraies de Méditerranée (bibliothèque multimédia)
  • Participation Mise en relation des données collectées avec à l’Atlas des petites îles du PIM
  • Organisation d’évènements culturels et scientifiques (partenariat à définir avec les Instituts fFrançais, les laboratoires de recherche et les musées d’archéologie par exemple)
  • Un spectacle de marionnettes, de burratini, avec l’association Blitz de Palerme ?

Un projet de Marine Vlahovic

Marine Vlahovic nous a quittés le 25 novembre 2024, nous laissant bien désemparés, tant sa joyeuse énergie, son rire communicatif et son enthousiasme, qui semblaient indéfectibles, ne laissaient pas présager son terrible départ.

Marine avait proposé plusieurs projets à notre association et les avait réalisés avec l’investissement et le professionnalisme que nous lui connaissons.

Dans le cadre d’un récent partenariat entre Histoires vraies de Méditerranée (HVM) et l’École française de Rome, elle avait réalisé une enquête sur les petites îles de Méditerranée, en commençant par Ischia. Sillonnant l’île sur un scooter de location, elle avait collecté maintes histoires qu’elle avait présentées, au nom d’HVM, en juin 2023 lors des 10 ans du Mucem.

Et puis, après le 7 octobre, et dès les premiers bombardements sur Gaza, Marine était partie au Caire pour se rapprocher des Gazaouis. Elle avait vécu dans les Territoires palestiniens entre 2016 et 2019, lorsqu’elle y était correspondante pour RFI. Elle a alors produit pour ArteRadio un formidable podcast, primé, Carnets de correspondante, témoignant du lien indéfectible qu’elle avait tissé avec les habitants.

Au Caire, en journaliste engagée, elle se démenait pour transmettre l’information. Avec sa grande humanité, elle collectait des produits de première nécessité qu’elle faisait acheminer aux Gazaouis sous les bombes.
Concernée également par les enjeux de société, dans un partenariat qu’elle avait mis en place entre HVM et l’Institut français d’Égypte, elle avait eu l’idée de recueillir, à Alexandrie et au Caire, des Histoires spontanées, enquêtant sur les pratiques des réseaux sociaux par les jeunes égyptiens.

Passionnée et solaire, elle communiquait avec les gens dans différentes langues de Méditerranée, principalement en italien et en arabe égyptien. Par la généreuse énergie qu’elle dégageait, Marine rassemblait, à Marseille, son port d’attache, ville au visage métissé, et ailleurs dans le monde, des personnalités de tous horizons.

Marine a transmis à notre association son talent créatif, ainsi que le sens de l’action collective et du partage. Elle nous manquera terriblement. Notre association pense à sa famille et à ses proches, et s’associe à leur chagrin.

(𝘗𝘩𝘰𝘵𝘰 𝘑𝘢𝘤𝘬 𝘚𝘰𝘶𝘷𝘢𝘯𝘵)