Histoire audio
Renato, 70 ans, Serra Fontana
Restitution audio
C’est une histoire qui se déroule au lendemain de la seconde guerre mondiale. Un avion survole Ischia à basse altitude. Il n’y a pas de radar et beaucoup de brume. Les nuages sont très bas. On ne voit rien. L’avion s’approche du Mont Epomeo à Serra Fontana. Son aile heurte une aiguille. L’avion s’écrase en contrebas. Les habitants entendent une explosion. Ils se précipitent sur les lieux du drame et ils découvrent les corps des victimes. Il n’y a pas de survivants. Ce sont des Anglais. Une famille riche en route pour un mariage. Ils sont vêtus d’habits chics et parés de bijoux en or. Les habitants commencent à les détrousser. Parce qu’ils vivent dans une misère noire. Ils prennent des choses et d’autres. Certains les cachent même sous les selles des chevaux.
Mais ce butin est maudit. Certains deviennent fous. Un autre qui a fait construire un hôtel avec cet argent voit son bien s’effondrer. Il y a tout un tas d’histoires autour de cet avion maudit. Nous continuons de rendre hommage à ces victimes. Leur famille vient se recueillir sur le monument érigé à l’endroit du crash: il y a une croix et une plaque commémorative. Une messe a même été organisée il y a des années dans ce lieu qui s’appelle “la pierre de l’eau.” Les habitants ont été cruels mais nous avons un devoir de mémoire.
Le projet
Les habitants et habitantes du pourtour méditerranéen sont au cœur de l’action de l’association Histoires Vraies de Méditerranée (HVM), depuis sa création en 2015. Le sujet n’est pas la mer, ce sont les hommes sur les rochers qu’il faut entendre, écrit François Beaune en introduction de La lune dans le puits, son premier recueil d’histoires vraies publié aux éditions Verticales en 2013, révisé pour la version Folio en 2017. Qu’en est-il de celles et ceux qui vivent entourés par la mer, sur les îles de Méditerranée ?
Au cœur de la Méditerranée, les populations insulaires continuent, comme par le passé, de jouer un rôle central dans la connaissance et la compréhension de cet espace connecté : Leur vie extérieure, le rôle qu’elles jouent sur le devant de la scène de l’histoire, est d’une ampleur que l’on attendrait pas de mondes au fond si misérables. La grande histoire, en effet, aboutit souvent aux îles, écrit Fernand Braudel dans La Méditerranée et le monde méditerranéen à l’époque de Philippe II [1949].
Dans la lignée des projets portés par l’ONG Initiative pour les petites îles de Méditerranée (PIM) adossée au Conservatoire du littoral, et en partenariat avec le réseau Petites îles de Méditerranée. Histoire et patrimoine de l’Eole française de Rome, l’association HVM se propose de collecter puis de restituer sous diverses formes les histoires vraies des habitants des petites îles de Méditerranée occidentale, acteurs de cette grande Histoire évoquée par Fernand Braudel.
Entre coupure et ouverture, les îles ont nourri bien des imaginaires ; leurs populations ont aussi modelé des paysages, produit des cultures et élaboré des styles de vie qui composent autant de patrimoines singuliers d’une immense richesse humaine et naturelle, souligne Brigitte Marin dans l’introduction de l’ouvrage Les petites îles de Méditerranée occidentale [2021]. Il s’agit – par la collecte, la reconstitution et la restitution d’histoires vraies – d’interroger ces imaginaires, ces récits et ces mémoires afin de faire connaître et de préserver ces patrimoines singuliers.
En partenariat avec les différents programmes pluridisciplinaires conduits par l’Ecole française de Rome ainsi que l’ONG PIM et le Conservatoire du littoral de l’Antiquité à nos jours, le collectif de l’association Histoires Vraies de Méditerranée complètera ce travail de recherche et de documentation en explorant les figures de l’insularité, au travers de la parole et des histoires des gens ordinaires.