Histoires vraies du Haut-Jura

Nuit improvisée chez un Anglais, par Marion

17 janvier 2021

Temps de lecture : 4 minutes

Une histoire collectée en octobre 2020 à Cinquétral.

 

Transcription de l’histoire audio

Je m’appelle Marion, j’habite Cinquétral, non loin de Longchaumois, en haut des virages. C’était au mois de février, je suis assez franco-suisse dans mes balades donc j’avais décidé à la fin de l’hiver de prendre l’air, d’aller voir ailleurs. À Neuchâtel, il y avait une journée complète consacrée au théâtre. Je décide de partir à Neuchâtel pour cette journée, je ne regarde pas la météo, ce que d’habitude je fais toujours avant de partir au mois de février. Je pars en petits mocassins, une petite robe : bien chic, j’avais envie de faire la belle et d’aller voir du théâtre.

Je pars et je passe une journée magnifique à voir plein de spectacles. À 11 heures du soir, je me dis qu’il faut que je rentre. J’avais une copine qui venait de Besançon avec moi, on sort et là je dis « Hmm… Il pleut beaucoup à Neuchâtel ». Elle me dit « Je vais prendre le Val-de-Travers pour rentrer à Besançon ». Je lui réponds : « Non, tu ne prends pas le Val-de-Travers parce qu’il va y avoir de la neige, tu vas me suivre et on va faire le tour. En arrivant à Vallorbe, toi tu prendras Pontarlier et moi je prendrais la montée de Vallorbe ». Nous voilà parties, chacune avec notre voiture, et dès qu’on a amorcé la côte de Vallorbe, la pluie a commencé à se transformer en neige. Plus on montait, plus il y avait de la neige. Et c’est bien connu que les Suisses ne déneigent pas beaucoup.

Donc on s’est quittées, elle est partie sur Pontarlier. On s’est dit au revoir en se disant qu’on ne savait pas ce qu’il allait se passer. Moi, je suis partie sur Vallorbe. Je ne sais pas si vous connaissez la route mais c’est une succession de tunnels : on rentre, on sort, on rentre, on sort. Quand on est dans le tunnel, c’est pratique pour la neige mais quand on ressort on la retrouve. Au troisième tunnel, il y avait un Volkswagen jaune au milieu de la route, donc je ralentis à sa hauteur par politesse – en me disant « il faut jamais s’arrêter », et le gars me dit « Continuez ! Continuez ! De toute façon j’ai des pneus lisses, je monterai pas, je vais redescendre. »

Je continue, et là, terminé, je continue plus : ça s’arrête, je n’avançais plus. Je repars en marche arrière, je revois le gars et je lui dit : « Vous allez où ? ». Il me répond qu’il va à la vallée de Joux. Je lui d’aller garer son combi Volkswagen et de monter avec moi. On était deux, c’était déjà mieux. Il gare son Volkswagen, je lui laisse le volant de ma voiture, je ne le connaissais pas du tout. Il avait un bon accent anglais, un jeune, pas mal ! Ça compte ! J’avais une certaine confiance un peu intuitive comme ça !

Je lui laisse le volant parce que j’étais complètement paniquée, je n’avais pas de chaînes. Nous revoilà passer le tunnel, et terminé, c’est bloqué. Là je me dis : « Y’a pas que moi ! ». On recule de nouveau, on revient dans le tunnel, on reprend notre élan. Et là je crois qu’à la troisième fois, on a pu avancer en seconde. Il était malin, il conduisait fort bien. Il est monté en seconde, donc à 20 km/h à peu près et on a fait toute cette route entre Vallorbe et la vallée de Joux. J’apprends pendant qu’il conduisait qu’il était mathématicien, j’avais bien vu mon coup ! Il travaillait à l’université de Lausanne, et il était juste reparti de la vallée de Joux pour aller chercher un papier à l’université de Lausanne parce qu’il avait oublié un papier alors qu’il neigeait. Un fou mathématicien. C’était très sympathique

Sauf que moi, la vallée de Joux, j’étais pas rendue parce que je devais aller à Cinquétral. Il me restait trois quarts d’heure de route, de route bonne. On arrive devant chez lui puis il me dit : « Vous faites quoi maintenant ? » J’étais là avec mes petits mocassins, ma petite robe. Je réponds : « Je ne sais pas ».
– « Vous pouvez dormir chez moi. »
– « Bon d’accord ! ». Je me suis dit, de toute façon que je me tue sur la route ou que je passe une bonne nuit, finalement…

Donc je monte chez lui, le mathématicien était installé à la vallée de Joux depuis un trimestre, il n’avait pas eu le temps de sortir ses cartons, il n’y avait pas l’électricité partout. Dans le hall, on enjambe les cartons, il n’y avait pas de lumière. On arrive dans la cuisine, il y avait de la lumière. On prend une bonne collation. Puis moi je me disais : « Tant qu’on cause, on fait connaissance, c’est toujours ça ». Il avait l’air sympa mais enfin bon…

Puis à trois heures du matin, on va se coucher, il me dit que je vais dormir dans le salon plein de cartons, il y avait un petit canapé. Je m’installe dans le salon, et puis tout en étant confiante et un peu froussarde, je cale discrètement le canapé contre la porte, je m’installe dans le duvet qu’il m’avait passé. Tout était parfait sauf que là je me rends compte que j’avais oublié d’aller aux toilettes. Là je me dis, non c’est pas possible je peux pas ressortir, repousser le canapé, aller dans le couloir… Dans les cartons, me suis-je dit, je vais bien trouver un petit vase ou quelque chose. J’ai fouillé sans lumière mais j’ai réussi à trouver un petit vase, j’ai fait un petit pipi et le lendemain matin discrètement je suis aller vider mon vase aux WC. Je l’ai lavé et remis dans le carton. Et quand je suis arrivée dans la cuisine, il m’avait préparé des supers œufs au bacon. J’ai repris ma voiture et je suis rentrée à Cinquétral, le chasse-neige étant passé avant. 

Marion